CHEZ DES ÉLEVEURS DE CHÈVRES EN MOSELLE


Nous nous sommes rendu dans la Lorraine pour découvrir ce métier - éleveur de chèvres - dont le quotidien nous était inconnu. Là-bas nous avons rencontré deux personnes aimant accueillir, partager et transmettre leur expérience du métier : Christine et Michiel. Pendant 3 semaines, nous avons pu vivre avec eux, découvrir les aspects attirants de l’élevage et les points plus rudes de cette activité.


COMMENT S'EST FORMÉE CETTE COLLABORATION ?

Malgré une attirance première pour le maraichage, Michiel s'est passionné pour l’élevage de chèvres il y a 30 ans. Suite à son expérience et ses observations, il s’est spécialisé dans la race alpine pour ses qualités laitières et son adaptation au terrain. Au fil des années, sa production de fromage est devenue très diversifiée : frais, à tartiner, tome nature et aux herbes diverses, camembert, bûche, ricotta, feta, faisselle, halloumi (un fromage parfait pour le barbecue :3 ) et j'en passe. Une de ses spécialités est le fromage frais associé à des herbes fraîches. Grâce à sa créativité, il joue avec des saveurs peu communes (abricot basilic, agrumes pissenlit, ail des ours…).

Pour le marché, Michiel a fabriqué son stand lui-même


Christine, de son côté, a passé 17 années dans l’animation auprès des personnes âgées. Après avoir choisi 2 chèvres comme animaux de compagnie, elle est tombée amoureuse de cette espèce et a voulu cultiver un lien spécial avec elle. Travailler avec des chèvres était devenu évident. Suite à une formation de 9 mois en BPREA (Brevet Professionnel Responsable Entreprise Agricole), elle s'est installée en mai 2017 dans la ville d'Edling avec son troupeau de 25 chèvres dont 15 laitières. Les filles à cornes était né : Chocolat, Swan, Mr Tumnus, Féline, Gazelle, Suzy-Clochette… Une multitude de races choisies avec soin permettant une biodiversité, un troupeau non uniforme et une préservation des races à petits effectifs. Nous avons ainsi pu croiser des chèvres Lorraines, Toggenbourgs, Poitevine, Anglo nubienne, Alpine et Sanene. Malgré son rêve réalisé, seule et sans foncier, ces débuts ont été difficiles.

En mai 2018, Michiel a publié une annonce dans le journal bio du GAB57 (Groupement d'Agriculteurs Biologiques) à la recherche d'un potentiel associé ou repreneur. Christine a répondu à l'annonce, et 1 mois plus tard, elle l'a rejoint dans la chèvrerie. Ils travaillent maintenant ensemble pour l’élevage et la confection des fromages. Ils ont ainsi trouvé chacun leur avantage : Christine apprend beaucoup de l’expérience de Michiel et a gagné en confort avec des terres de pâturage. En contrepartie, Michiel a davantage de temps libre. Ils peuvent se reposer l'un sur l'autre pour faciliter leur quotidien.

 
UNE DÉMARCHE FAVORISANT LE BIEN-ÊTRE ANIMAL

💗Chocolat 💗 la chouchou de Christine
Cet élevage se distingue de beaucoup de façons. En effet, en arrivant sur place, nous avons tout de suite remarqué un lien étroit entre les éleveurs et les chèvres. Des petits noms donnés, une traite faite à la main...Tout cela est possible grâce aux effectifs réduits du troupeau (Christine a 16 laitières et Michiel 33). Il en découle beaucoup d'avantages comme la possibilité d’être à l'affut des maladies ou pouvoir observer le comportement des chèvres entre elles. Quant aux futurs possesseurs des chevrettes vendues, une certaine attention est donnée. De plus, pour le choix des chevrettes gardées, on se base autant sur l'observation (développement rapide et robustesse du chevreaux) que sur la génétique (une descendance de bonnes laitières). Par ailleurs, toutes les chèvres (qu’elles soient laitières ou non) vont au pâturage. Ce qui représente les ¾ de leur alimentation. Dans l’élevage industriel, les chèvres ne quittent pas l’étable, sont nourries aux granulés (principalement) et au foin pour produire davantage de lait. Effectivement, les élevages intensifs peuvent atteindre entre 800 et 1000 litres par individu et par an, en comparaison avec celles de Michiel et Christine qui n'en produisent en moyenne que 500. Toutes les pensionnaires sont nourries de la même façon alors qu'ils pourraient faire le choix de donner moins d’aliments à celles qui produisent moins. Par le même principe de bienveillance, le bouc reste avec les chèvres durant toute l’année. Il a donc le même confort de vie qu'elles. Ici, les chèvres ne sont jamais abattues. Tandis que dans un élevage classique, la réforme s’impose lorsque l’animal est une mauvaise laitière, s'il y a une malformation au niveau du pis ou si tout simplement la saillie n’a pas fonctionné (elle n’attend pas de chevreaux cette année…). Ces deux passionnés cultivent autant une bienveillance envers leurs animaux qu'envers d'autres agriculteurs. Une coopération a lieu avec un maraicher voisin : des terres prêtées, un échange de matériel, des services rendus en pic de travail et la revente de produits de chacun.



UN MÉTIER DIFFICILE DE PASSIONNÉS

 Cette activité requiert une certaine force mentale. Car en effet, tous les jours, le devoir de l’éleveur est de les nourrir, les traire matin et soir et les soigner si besoin. Sans compter sur la fuite occasionnelle des chèvres et la réparation fréquente des clôtures. De plus, il faut être constamment aux aguets de la moindre maladie : diarrhée, parasitisme, inflammation de mamelle… Chaque année se ponctue par des évènements clés nécessitant beaucoup d'énergie. À partir de février, les naissances commencent. C’est un moment très stressant où l’éleveur doit être vigilant au bon déroulement de la mise bas. Il peut intervenir par exemple si le chevreau se présente mal, si la chèvre met trop de temps à délivrer ou si elle n'a pas assez de contractions. Suite aux naissances, se succèdent les 2 mois les plus abondants en lait de l’année. En juin, vient le moment de faucher le foin, l’andainer et le mettre en botte. Stocké dans la grange, il servira à nourrir les bêtes tout l'hiver. Une fois par an, (ici en septembre) l’étable doit être nettoyée, le fumier retiré est épandu dans des champs. C’est aussi où il y a souvent le regain, c'est la deuxième repousse du foin qui doit être récupérée pour ajouter d'autres bottes au stock. Cette année, il n'y en presque pas eu à cause de la sécheresse. Il faudra donc qu'ils fassent attention cet hiver à l'utilisation de cette denrée.
En revanche, chaque hiver, les chèvres ne donnent plus de lait. Il n'y a plus de production de fromage et par conséquent de rentrée d'argent. Il est donc important de gérer ses économies.


 NOTRE EXPÉRIENCE
Lors de notre arrivée, nous n'arrivions ni à traitre à la main, ni à reconnaître les chèvres entre-elles. Au fil de notre séjour, et suite à de moultes courbatures dans les mains et avant-bras, la traite est devenue plus facile pour nous. Nous avons également participé au nettoyage du fumier dans l’étable, au stockage de botte de foin et à la confection de certains fromages. Au bout d'une semaine, nous sommes devenus plus autonome à la traite et pour les soins donnés aux animaux. Même si évidemment, nous n'allions pas à la même vitesse que l’éleveur. L'identification de certaines chèvres est devenue plus évidente aussi. À la fin, nous faisions attention à l'apparition de certaines maladies facilement identifiables. Vivre avec ces animaux pendant 3 semaines a affûté notre regard et il s'est apparenté à celui de l’éleveur. L’évolution était plutôt impressionnante.



Viller, étant une ville sans remembrement de champs et en zone Natura 2000, est un cadre parfait pour ces éleveurs sensibles à la biodiversité et à l’agroécologie. Ils mettent un point d’honneur à ce que leur mode de vie respecte la nature et l'animal. Le métier tel qu'ils le pratiquent est une forme d’activisme très intéressant. Nous avons d’ailleurs pu en débattre avec eux et lire des livres, sur leur conseil. Ces derniers traitent de la disparition de l’élevage en tant que rapport de travail avec les animaux domestiques au profit de la production animale industrielle. Si vous avez envie de pousser plus loin ce sujet, je vous invite à lire Vivre avec les animaux, une utopie pour le XXIe siècle de Jocelyne Porcher et Être bête de Jocelyne Porcher et Vinciane Despret.




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/SOURCES/
http://devenir-eleveur.com/production-de-lait-de-produits-laitiers/

Le livre Vivre avec les animaux, une utopie pour le XXIe siècle de Jocelyne Porcher
Le livre Être bête de Jocelyne Porcher et Vinciane Despret

Laetitia

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